Il me conduit de nuit vers son enfance.
Son petit village typique du Sud de la France.
Je pique du nez sur chaque ligne droite.
Me réveille en sursaut à chaque virage.
J’ai pourtant en lui une confiance aveugle.
La route est parsemée de forêts enchanteresses dont les branches des arbres s’agrippent les unes aux autres pour former une arche au dessus de nos têtes.
Nous passons à travers des champs d’oliviers. Des plaines de vignes. Des bois de pins.
J’ai le coeur tellement léger.
L’orage éclate. Le ciel peuplé d’étoiles filantes. Se met soudainement à gronder. Laissant place à un ciel annonçant l’apocalypse.
Nuages lourds. Chargés. Les éclairs ne vont pas tarder.
Quelques kilomètres à peine avant de pouvoir se réfugier dans cette petite maison aux volets fermés. Tranquille. Presque abandonnée.
L’odeur du bitume fraichement mouillé. Les herbes hautes de la vallée fraichement perlée.
Sur la route de Quillan au début de l’été.
–
Rendez-vous là. Devant cette petite boulangerie de quartier où se presse le tout Ixelles.
Une bise maladroite sur la joue droite. Une chocolatine dans la main gauche. Un smoothie calé au centre du véhicule.
Les prémices d’une rencontre.
Attendue.
Détendue.
Naturelle.
Je me souviens encore de l’odeur particulière de l’habitacle.
Celle d’une longue balade vers l’inconnu.
Entre deux inconnus. Côte à côte.
La route devant nous. Un peu après l’aube.
Le décalage horaire pour l’un. La fatigue chronique pour l’autre.
Se découvrir. Se mettre à nu. Rire et sourire. Faire jouer notre sens de l’orientation.
Peut-être déjà séduits. Par l’infini. La multitude. Tous les possibles.
Ce jour où deux âmes. Prirent la peine. De se donner le temps. Un court moment. De prendre la route. Route qui aurait pu être plus élastique. Pour profiter davantage de l’instant présent.
Vers la côte d’Opale. L’été du bonheur indécent.
–
Elle me confie les clés du véhicule pour ma première conduite à gauche. Pour sortir au plus vite de cette ville agitée.
Et rejoindre la Wild Atlantic Way.
Prendre mes repères. Les mains crispées sur le volant.
Ce sentiment de liberté qui, lentement, s’imprègne dans tout mon corps bien vivant.
Dans chacun de mes pores.
Plus les kilomètres s’écoulent. Plus ce sentiment d’être est bien ancré en dedans.
Direction ces petits ports. Vers ce littoral pur. Brute. Sauvage.
Je respire à pleins poumons.
Devoir serrer à gauche. Sur ces grands axes autoroutiers.
Avant d’emprunter de plus petits sentiers. Dans les maquis désertés.
D’une terre aride à une végétation luxuriante.
Des forêts vierges aux tourbières parsemées de bruyères.
Jeux de couleurs. Jeux de lumières. Au delà des collines.
Entre le vert des herbages. Le rouge ocre des pierres sacrées. Le mauve des champs de violettes.
Le vent nous poussant vers des contrées toujours plus inexploitées.
Ò bel Irlande l’été dernier.
—
La route est mon addiction. Ma drogue. Mon évasion.
Me nourrir de la beauté du monde. D’un point à l’autre. Un entre-deux.
Où mon esprit divague. S’évade. Gambade.
Pensées éphémères. Pensées effet mer. Pensées et faits mère.
Je me retrouve face à moi-même.
Observation. Introspection. Agréable sensation.
Celle du mouvement. En déplacement. Le temps s’arrêtant. Sentiment permanent.
Les paysages défilent. La nature s’offre à moi.
La tête dans les nuages. À toute vitesse.
Ce lâcher prise. Imposé. À tête reposée.
En plein air. Sur les rails. Sur l’asphalte brûlant.
Des dizaines. Des centaines. Des milliers de kilomètres me séparant de la destination finale.
Je me surprends souvent à suffoquer quand je ne suis pas sur le départ.
Manque d’inspiration. Absence de créativité. Carence de vitamines D. Doute sur tous les possibles.
Ce besoin vital de découvrir l’ailleurs pour nourrir mon potentiel.
Aller vers le futur et profiter de l’instant présent.
Quelle sera la prochaine destination ?
Celle qui abreuvera ma soif d’aventures.
Mon énergie débordante.
Mon désir de vitalité.