Un ciel de coton. Le bitume trempé. Les vagues s’écrasant sur les rochers. Il est l’heure de rentrer.
Je grimpe sur mon bolide. Mets la clé dans le contact. Visse mes écouteurs dans les oreilles. Attache la sangle de mon casque.
Et c’est parti pour 45 minutes de route. 
Entre les gouttes, zigzagant dans les rizières, face aux gros nuages tristes au loin et aux volcans juste derrière.
Je le regarde rincer ses pieds dans la rivière. Il ramasse quelques branches sur le bord de la route. J’accélère. Première à gauche. Le trafic est fluide. Deuxième à droite. Je pénètre dans une petit village. Des dizaines d’enfants vêtus de tenue de judo, ceinturés de jaune, courent pieds nus dans la rue. Le professeur les regarde depuis l’entrée du temple. La route bifurque vers la gauche, et puis la droite. Je passe à travers un nuage de fumée. Encore ces ordures qu’ils feraient mieux de recycler plutôt que de les bruler. Cela sent le plastique flambé. Au loin, leurs chants étouffés. Au-delà, des dizaines de bananiers. La route est toute droite sur quelques centaines de mètres. Toute cabossée. Je fais valser mon scooter entre les nids de poule. Au rythme de cet air tout juste découvert. Je presse le bouton repeat sur Spotify. Une. Deux. Trois fois. Deux pourcents de batterie. Je jette mon regard vers le ciel. Menaçant. Je tourne à droite puis directement à gauche pour me fondre parmi les camions et 4×4 sur cette partie de route à 3 bandes de chaque côté. Des vendeurs de pastèque, de crackers de riz, de papaye et de frisko sur le bas côté. Des échoppes où se pressent les chiens errants, reniflant les odeurs de viandes séchées. Je me faufile entre deux petits camions contenant des centaines de poules. Ca sent les vieilles plumes de poulets mouillés. J’essaie de me rappeler la dernière fois où j’ai pris du plaisir à manger cette bestiole. L’odeur me prend le nez. D’un tour de passe passe, je dépasse les véhicules à l’arrêt et retrouve l’air frais des champs de l’impasse d’à côté. Les feux de signalisations ne fonctionnent plus depuis quelques semaines et clignotent sans cesse sur la route qui me mène au faubourg suivant. C’est la règle de celui qui arrivera à passer le premier. Un joyeux bordel dans cette délicieuse contrée. Il fait vrombir sa vieille vespa toute décolorée qui crache un nuage de fumée noire qui me rentre directement dans les poumons. Je manque de m’étouffer. Avant d’éclater de rire à la vue d’un bébé avec de la crème glacée plein le nez. Mon téléphone m’a lâché. Je me laisse porter par mes pensées. L’imaginer lui ici. Comme passager sur mon bolide. Observant les couleurs. Sentant les odeurs. Se sentir vivant.
Et rêver. Toujours rêver.
Je passe ma vie sur mon scooter. La route, toujours comme seule dépendance.
C’est dingue ce qu’un simple beat, un simple rythme, de simples notes, une musique tout juste découverte, peut créer en moi comme émotion et m’inspirer par la suite à vous le raconter ici.